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Ultreïa ! Plus loin, plus haut... sur les chemins de la sagesse

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Marie-José Lamothe

Biographie

Elle s’était inscrite dans les pas de Milarépa. Intrépide, elle avait couru à sa rencontre sur le toit du monde. Dans “l’ivresse des hauteurs bleutées”, elle avait nomadisé au centre du monde, au mont Kailash où siège le trône immobile du dieu Shiva, le seigneur du yoga qui crée et détruit le monde en dansant. “Mutité des cimes. Messages des sommets, Apprentissage progressif des altitudes”, elle parlait volontiers des “hauteurs de sa vie”  et avait entrepris d’approcher avec  délectation les secrets du bouddhisme tantrique que “Mila-vêtu-decoton”, l’ermite-poète, allait alors lui confier à l’oreille des années durant.

La lumineuse et souriante Marie-José Lamothe a quitté ce monde il y a tout juste vingt ans. Brutalement emportée par un cancer, l’érudite nous avait offert douze ans auparavant la pénétrante traduction de l’intégralité des Cent Mille Chants et celle de l’édifiante biographie de l’ascétique disciple du terrible Marpa. Une oeuvre titanesque et inspirée où Milarépa, disait-elle, “chante avec des mots de pierre et d’os”. Elle s’était ainsi inscrite dans la continuité de l’éminent Jacques Bacot (1877-1965) qui, en 1925, avait déjà fait découvrir Milarépa et son oeuvre aux lecteurs français. “Pour les Tibétains, écrit Marco Pallis, Milarépa ne représente pas seulement le modèle par excellence de l’effort et de l’accomplissement spirituels, mais aussi le plus grand de leurs poètes.”  Sur les premières représentations hagiographiques, réalisées au XVIe siècle, on voit souvent Milarépa chantant la main placée derrière l’oreille comme les bardes de l’école Kagyüpa. De nombreux thankas décrivent tous les épisodes de sa vie exemplaire. Les peintures qui illustrent cet article appartiennent au monastère d’Hémis au Ladakh. Très rarement exposées, elles ont été exceptionnellement sorties par Gyalwang Drukchen Rinpoché, le grand lama des Drukpa Kagyu – héritier direct de la tradition issue des enseignements de Nâropa, Marpa et Milarépa – afin que Marie-José Lamothe puisse les photographier.

Au Tibet, d’innombrables versions des Chants, orales ou écrites, ont circulé des siècles durant avant que Tsang Nyeun Héruka (1452-1507), le “fou de religion” extatique et dénudé, n’en codifie, dit-on, une infime partie. Ils devinrent alors un texte sacré chanté par les moines et les retraitants. Au Pays des Neiges, on assure en effet que la dévotion pour la parole inspirée de cet éveillé hors du commun prévient toute renaissance dans des mondes inférieurs. Quoi
qu’il en soit, écrit Marie-José Lamothe, “ayant atteint l’état de Bouddha, Milarépa se manifeste en tous lieux”.

En 1999, à l’initiative de Marc de Smedt, un hors-série de Question de (n° 115) avait permis à de nombreux écrivains, photographes, poètes ou comédiens de rendre hommage à l’attachante traductrice qui avait entrepris de suivre d’ermitage en ermitage l’ascétique poète. Vingt ans après sa disparition, nous entendons lui rendre ici un nouvel hommage en publiant, grâce à la générosité d’André Velter, son compagnon, quelques-uns de ses précieux clichés.

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