Rencontre avec Abdennour Bidar"Réparer le tissu déchiré du monde"
Normalien, agrégé et docteur en philosophie, enseignant en classes préparatoires et à l’université, puis haut fonctionnaire, un temps producteur à France Inter et à France Culture avant d’être nommé en mars 2016 inspecteur général de l’Éducation nationale, Abdennour Bidar est l’auteur de nombreux essais comme Un islam pour notre temps ( Seuil, 2004 ), Self Islam, histoire d’un islam personnel (Seuil, 2006 ), L’islam sans soumission, pour un existentialisme musulman ( Albin Michel, 2008 ), L’islam face à la mort de Dieu, actualité de Mohammed Iqbal ( Bourin, 2012 ), Histoire de l’humanisme en Occident ( Armand Colin, 2008 ), Plaidoyer pour la fraternité ( Albin Michel, 2015 ), Lettre ouverte au monde musulman ( Les Liens qui Libèrent, 2015 ), Les Tisserands, réparer ensemble le tissu déchiré du monde ( Les Liens qui Libèrent, 2016 ).
Retour sur un parcours atypique et un certain regard sur l’évolution spirituelle du monde.
EXTRAIT :
» Vous avez alors, à l’égard du monde moderne, un a priori très négatif…
AB: Absolument et il ne m’a quitté que beaucoup plus tard, lorsque je suis sorti de la tarîqa soufie à laquelle je m’étais rattaché. À l’instar de Guénon et dans le sillage de ma mère, j’ai longtemps considéré le monde moderne comme une anomalie. Un monde possédé par le règne de la quantité, le matérialisme, et où beaucoup de choses tournent à la parodie du spirituel. Grâce à ma mère, j’ai grandi dans un ailleurs qui n’est pas géographique. (…) Toute la difficulté réside dans la construction d’un véritable “je spirituel”, et dans le passage du je au nous, c’est-à-dire dans la construction d’un projet spirituel collectif – qui laisse chacun libre de s’autodéterminer tout en lui assurant la solidarité de tous au service de ce projet d’accomplissement spirituel. C’est pourquoi il est important de montrer, et c’est ce que j’essaye de faire dans Les Tisserands, que c’est en créant des milieux où l’on va pouvoir vivre une
nouvelle sociabilité spirituelle – des lieux et milieux de vie spirituelle où l’on se rend “libres ensemble” au lieu d’obéir à des dogmes, des normes, des maîtres, comme avant – que l’on pourra se donner mutuellement les moyens d’être des autodidactes spirituels. Clairement, quelqu’un qui voudrait s’aventurer tout seul vers cette liberté risque de se brûler les ailes. »
A retrouver dans ULTREÏA ! #09
© Bruno Charoy