Qu’est-ce qui distingue les contes des mythes ? Quelles puissance évocatrice et proximité fraternelle, quel écho ontologique les seconds ont-ils en nous pour qu’ils relèvent d’un ordre différent des premiers, échappant aux contingences du temps et de l’espace ?
Sans conteste, les mythes renferment une autorité et une dimension archétypique qui ont “valeur d’enseignement, de message, voire de credo”, écrivait notre jubilant poète Jacques Lacarrière. Dès les origines, les hommes ont œuvré à transmettre, oralement ou par écrit, des récits qui questionnent la naissance d’un univers perçu comme empli de mystère et de frayeur ; sur tous les continents, ils ont rivalisé d’imagination en élaborant de grandes gestes pour éclairer leur venue au monde. Le sens de tout destin. La manifestation de forces supra-humaines, éternelles. Et inventé des héros et des quêtes éperdues auxquels s’identifier.
Pourtant, comme le rappelait l’auteur de L’été grec, “aucun mythe ne propose à l’homme un chemin tout tracé qu’il aurait à suivre en aveugle, mais des chemins et des choix cruciaux pour s’accomplir comme être humain”. C’est en ce sens que nous ouvrons notre dossier : que nous disent encore les mythes à une époque qui se croit débarrassée de toutes ces fantaisies, alors même que nos sociétés trop étroitement rationalistes souffrent de l’absence d’un grand récit fédérateur ? Car au fond, les mythes, ajoutait Lacarrière, “ont tout de même quelque chose en commun, à savoir tout ce que les hommes partagent par leurs corps, en leur cœur, avec leurs peurs ou leurs désirs”.
Il est un pays où la permanence et le respect du mythe ne font jamais débat : l’Inde. La ville sainte de Bénarès – fruit sacré du feu et de l’eau – que Christophe Boisvieux et Patrick Laude ont souvent arpentée en est une parfaite illustration. De même la tradition des bronzes cholas que les artistes conçoivent avec la même vénération depuis le XIe siècle pour célébrer Shiva et Parvati.
Deux figures chevaleresques du christianisme engagé – qui ont encore tant à nous dire en ces temps labiles de dialogue interreligieux et de désacralisation, donc d’inhumanisation – illuminent aussi ce numéro : Georges Bernanos, l’ardent écrivain de ce chef-d’œuvre sans concession qu’est Les Grands Cimetières sous la lune et Louis Massignon et sa quête éperdue d’absolu, de “substitution”, de lien entre l’Orient et l’Occident.
Abolir les barrières élevées au nom des religions : tel est justement ce que prône l’Indien John Martin Sahajananda, digne successeur des pères Monchanin et Le Saux, au sein de l’ashram de Shantivaram. Aliette Armel a recueilli les propos de celui qui tient que “nous devons être les chercheurs et non les croyants du royaume de Dieu”.
Reconduire l’homme vers le chemin du salut, dont les fruits doivent nourrir toute l’humanité, fut aussi la vocation première de la visionnaire et prophétesse Hildegarde de Bingen. Mais si la grande abbesse invitait celui-ci à retrouver sa nature divine et sacrée et à se transformer, c’était afin d’agir plus librement et justement dans le monde, nous explique Audrey Fella.
“Certains préfèrent aller jusqu’au bout du monde plutôt que de se traverser eux-mêmes”, soulignait Joyce dans son mémorable Ulysse. Ce n’est pas le cas de nos photographes arpenteurs d’horizons, qu’il s’agisse de Serge Guiraud qui depuis trente ans soutient les Amérindiens d’Amazonie dans leurs légitimes revendications, en magnifiant leurs parures et leurs rites de passage comme inscription holistique dans l’univers, ou encore d’Olivier Föllmi et de Jean-Marie Hullot, que leur périple alchimique au mont Kailash ( Tibet ), à 6638 mètres au-dessus du monde, a profondément transformés.
Flotter “sur le chemin des nuages blancs” : l’un des plus vieux rêves de l’humanité ?
Au fil de ce numéro retrouvez nos chroniques :
Mosaïque du Ciel par Olivier GERMAIN-THOMAS – Parole de feuille
Méditer en chemin par Fabrice MIDAL – La présence d’une tête
Le fil de l’émerveillement par Bertrand VERGELY – Socrate, le maître
Ubiquité de la prière par Christiane RANCÉ – Changer la vie
L’instant soufi par Éric GEOFFROY – La « Chaîne d’or »
Il n’y a qu’une seule religion par Patrick LAUDE – Largeur d’esprit?
La couronne du royaume par Frank LALOU – Le Mystère de la Ménorah
Le buffle et la tortue par Cyrille J.D.JAVARY – De l’invention du papier et autres héritages chinois
Symbolique universelle d’un signe, d’une gestuelle, d’un rite ou d’un mythe…
Dans les pas des pèlerins de l'absolu
Audrey FELLA
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Christophe BOISVIEUX
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Patrick LAUDE
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Aliette ARMEL
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