La beautéun chemin de vie
Bernard CHEVILLIAT, Nelly DELAY, Maxence FERMINE, Vincent MUNIER, Florence QUENTIN, Éric GEOFFROY, Jean-Marie GUEULLETTE
DOSSIER :
Philocalia. Cultiver l’amour de la beauté – Bernard Chevilliat
Le culte de la beauté dans l’art japonais une esthétique de l’impermanence – Nelly Delay
Rien que du blanc à songer Vincent Munier sous le regard de Maxence Fermine – Maxence Fermine – Photos Vincent Munier
Ivresse mystique et audition spirituelle en islam – Eric Geoffroy
Beauté et perfection morale dans l’Egypte ancienne : une sagesse pour notre temps – Florence Quentin
La beauté d’un geste – Jean-Marie Gueullette
FEUILLETEZ ICI les premières pages du DOSSIER ULTREÏA! #16
INTRODUCTION:
“Il y a dans la contemplation du beau en tout genre quelque chose qui nous détache de nous mêmes en nous faisant sentir que la perfection vaut mieux que nous”, écrivait Benjamin Constant.
Est-ce parce qu’il favorise notre contact avec l’infini que le beau jouit d’un tel privilège ?
Sans doute, comme l’affirme le texte qui ouvre ce dossier et nous invite à “cultiver l’amour de la beauté” (ou philocalia) : “Par sa plénitude ascendante, sa générosité, son universalité et sa gratuité même, la beauté contribue à évacuer les petitesses de l’âme et à élargir le coeur.”
Ce culte de la beauté fut porté à son paroxysme dans l’art japonais, nous rappelle l’historienne d’art Nelly Delay. Essentiel dans cette civilisation, celui-ci inspire depuis des siècles les gestes de la vie quotidienne des habitants de l’archipel, en les ritualisant. Un extrême raffinement qui évoque l’“éphémère splendeur des choses”, “la puissance de l’objet liée à son silence”. Tout autant que “le dialogue entre le temps qui passe et la beauté des objets tranquilles”.
L’écrivain-poète Maxence Fermine, auteur de Neige, rend quant à lui hommage à Vincent Munier dans un texte littéraire, Rien que du blanc à songer, “la première phrase qui vient à l’esprit lorsqu’on a la chance, voire le privilège, de contempler les merveilleuses images du photographe animalier”. Une rencontre écriture-image autour d’un même émerveillement devant la nature vierge, “source de bonheur que les enfants possèdent d’une manière innée, mais que les adultes perdent parfois”. Et que Vincent Munier “a su garder intact en lui”.
Émerveillement, et même “transport” divin : voilà ce à quoi, en islam, convient la musique – “un mode privilégié de réintégration dans l’Unicité”, selon notre chroniqueur Éric Geoffroy –, la poésie ou encore l’invocation du nom divin. “Autant de disciplines qui, dans le soufisme, réactualisent chez l’être humain le Pacte originel, faisant résonner en lui la parole primordiale Ne suis-Je pas votre Seigneur ?”
Pendant trois mille ans, l’Égypte ancienne célébra elle aussi la quintessence de la beauté, mais toujours dans une visée symbolique et éthique. “Être beau en Égypte ancienne, c’est aussi être digne, respecter l’autre, manifester de la compassion et de la fraternité. Face à un interlocuteur, il faut conserver noblesse et maîtrise de soi, un idéal à atteindre comme l’art tend à le faire : la laideur, le tumulte, le chaos s’opposent avec la même intensité à l’ordre du monde.”
Enfin, pour le théologien dominicain et ostéopathe Jean-Marie Gueullette, spécialiste des formes chrétiennes de la méditation et des questions posées par le développement des médecines alternatives : “Le beau geste est manifestation du mystère de l’être humain qui le pose, épiphanie de l’esprit dans la chair. Ouvrant ainsi à cette dimension incorporelle et indicible de l’être humain, elle peut être regardée comme manifestation du mystère de façon absolue, irruption de l’Altérité.”