Panaît Istrati ou la passion de l'humain
Interdite en France pendant la Seconde Guerre mondiale, censurée en Roumanie et dans les pays du bloc de l’Est jusqu’à la mort de Staline, négligée dans des pays où elle avait été portée aux nues, l’oeuvre littéraire de Panaït Istrati (1884-1935) a été oubliée pendant plusieurs décennies.
Linda Lê revient sur l’incroyable héritage laissé par l’intraitable “homme-écho” qui nous a offert d’exceptionnelles descriptions de la vie dans les Balkans au début du XXe siècle.
Extrait : « Son âme, disait-il, était une chaudière sous pression constante. Il avait cette curiosité, cette avidité, de qui se lie facilement avec des inconnus et, dans les rencontres de hasard, cherche à sonder l’inconnu. Panaït Istrati n’était pas de ceux qui jouent des coudes afin de “se créer une bonne place dans la vie” : plutôt être bandit ou crever tout de suite, pour échapper à l’“humanitécafard”, acharnée à “limer sa fantaisie”. Ce qui le guidait, lui, c’était l’amitié et la liberté.
Ce qu’il aimait à la folie, c’était les livres et les pérégrinations, “bains lumineux du cœur et de l’esprit”. Il s’était, dans son adolescence à Braïla, à l’est de la Roumanie, adonné sans mesure à l’art de la fugue. Au désespoir de sa mère, qui rêvait pour lui d’un destin plus conforme à la moyenne, il vagabondait dans toute la région autour de sa ville natale. Plus tard, il devait s’éloigner davantage de Braïla, voyageant en contrebande, voyages qu’il plaçait sous le signe de Charlot, car son envie dévorante de découvrir le monde n’allait pas sans la misère qu’il tâchait d’accueillir avec le sourire. »
Article à lire dans ULTREIA ! #18 – Année 2020