Le grand champ de l'esprit
Depuis quelque temps, une nouvelle manière d’habiter la terre tente de se dessiner : la géopoétique, dont le poète-voyageur Kenneth White est le principal représentant. À l’image de la paideia, cette éducation philosophique et poétique chère aux Grecs, elle cherche à ouvrir non seulement un nouvel espace culturel, mais “un monde où vivre”.
EXTRAIT : « Il y a vingt-cinq siècles, sur les hauteurs d’Athènes, se réunirent, dans le but de donner une forme rayonnante à leur ville, d’en faire “l’école de la Grèce”, voire “l’école du monde”, un homme politique, Périclès, un sculpteur et architecte, Phidias, et un poète, Sophocle. Pour la Grèce classique, la constitution d’une cité, d’une polis, est l’objet de la politeia, la politique. Mais la politique ne peut exister seule. Pour rester ce qu’elle doit être, et ne pas dégénérer en formes caricaturales, elle a besoin de la paideia, c’est-à-dire d’une éducation philosophique (qui inclut les sciences, en tant que “philosophie de la nature”) et poétique (qui dépasse de loin la simple versification), une éducation qui a pour but de “créer la vertu” (poiétike arètês), cette “vertu” étant à comprendre non pas comme “qualité morale”, mais comme densité d’être, comme base réelle de culture, comme élément premier d’un monde harmonieux (qui est le sens du mot grec kosmos).
Nous en sommes loin aujourd’hui. Nous ne vivons pas dans un espace politique clair, et notre culture est de plus en plus un creux rempli de riens. Le mot le plus général qui s’applique à notre contexte est celui de cacotopie, un lieu confus, obscur et laid. Il y a dans cette cacotopie, disons-le tout de suite, pour ne pas donner l’impression d’être un pessimiste draconien ou un nihiliste absolu, beaucoup d’initiatives bien intentionnées et même bien fondées. Mais il manque une cohérence. »
© Enrico MARTINO