Édito par Florence QUENTIN

« Mais tout voyage, toute aventure ( au sens vrai du mot = ce qui arrive )
se double d’une exploration intérieure. Il en est de ce que nous faisons
et de ce que nous pensons comme de la courbe extérieure et
de la courbe intérieure d’un vase : l’une modèle l’autre.”
Marguerite Yourcenar

L’auteure des Mémoires d’Hadrienfait dire à l’un de ses personnages qu’il faut “tâter de la rondeur du monde”. Une formule imagée et riche d’enseignements que nous vous invitons à expérimenter à nos côtés. Nous empruntons à nouveau les routes sinueuses que cette terre et son orbe déroulent sous nos pas, aux côtés de cet inlassable arpenteur que fut le grand mystique Ibn ‘Arabî lors de ses voyages vécus à la fois dans les mondes “supérieur et inférieur”. En miroir, deux autres figures pérégrines et spirituelles, en rupture avec la société et ses voies bien tracées qu’elles choisirent de transgresser, mais surtout de transfigurer : le père Le Saux et le fascinant fol-en-Christ John Bradburne. Deux hommes littéralement “consumés” par le souffle divin, moines errants et, pour le second, serviteur des bannis de ce monde.

Mais pour “tâter” celle qui nous nourrit et nous porte comme ses enfants, encore faut-il ne pas la saccager avec nos actes arrogants, qui la menacent. Nous nous sommes donc interrogés sur les liaisons parfois dangereuses, parfois lumineuses, qu’entretiennent les religions avec l’écologie. Il semble heureusement s’éloigner le temps où certaines d’entre elles estimaient devoir soumettre le vivant et, telles des Prométhée modernes, encourageaient des pratiques dévastatrices. D’éminents philosophes et militants pour la paix – entre autres, le soufi Seyyed Hossein Nasr et Satish Kumar, disciple de Gandhi – nous ouvrent quelques perspectives stimulantes pour la survie matérielle et spirituelle
de l’homme. L’entretien que nous a accordé le créateur de la ferme du Bec Hellouin, vrai laboratoire de permaculture, participe d’un semblable élan.

Rondeur du monde que nous effleurons aussi à travers le geste sensuel des femmes maures drapant leur melhfacolorée ; ou que nous percevons au cœur des processions de la fête du Timkat en Éthiopie, d’où émergent des ombrelles d’or symbolisant… les sphères célestes ; ou dans les vagues de sable rose du désert égyptien qui ravive les âmes mais sait aussi conserver dans son giron protecteur des portraits – ici, ceux “du Fayoum” – qui nous rappellent à notre humanité. Autant de figures et d’horizons qui – comme Ulysse dont nous parle Titus Burckhardt – nous enjoignent donc de reprendre la route, “tout voyage” ajoutait la grande Yourcenar, étant “une contemplation mouvante”.

Au fil de ce numéro retrouvez nos dix chroniques :

Mosaïque du Ciel par Olivier GERMAIN-THOMAS –  Aux jardins de la musique

Méditer en chemin par Fabrice MIDAL – A-t-on vraiment besoin de méditer ?

Le fil de l’émerveillement par Bertrand VERGELY – Le ciel au bout des doigts

Ubiquité de la prière par Christiane RANCÉ – Don et pardon

L’instant soufi par Éric GEOFFROY –  Reconnaître l’Apparent dans les apparences

Il n’y a qu’une seule religion par Patrick LAUDE – Signes divins et vocation humaine

La couronne du ciel par Franck LALOU – Regards hébraïques

De ce coté du ciel par Pascal RUFFENACH – Les apprentis géographes

Le buffle et la tortue par Cyrille J.D.JAVARY – Dieu parle-t-il chinois ?

D’Orient et d’Occident par Jean MONCELON – Le Haut-Pays (II)

Mais aussi  Signe & Traces, Rites & Repères

Symbolique universelle d’un signe, d’une gestuelle, d’un rite ou d’un mythe… 4 pages illustrées par Stéphanie LEDOUX.