Neurosciences, philo, écologie, méditation… refonder l’école
Bernard CHEVILLIAT, Antonella VERDIANI, Frédéric LENOIR, Philippe FILLIOT, Dominique BUTET, Marine LOCATELLI, Philippe NICOLAS, Zarina KHAN, Florence QUENTIN
DOSSIER :
Ecole : “tout est à reprendre”? – Bernard Chevilliat
Rien ne peut être enseigné – Antonella Verdiani
“Les enfants ont une capacité extraordinaire à questionner le monde” – Frédéric Lenoir
Le yoga de l’éducation. Pour une pédagogie de la reliance – Philippe Filliot
Education du coeur, éducation éclairée – Dominique Butet
Adolescence et méditation de “pleine conscience” – Marine Locatelli
Enseignant-trappeur et maître qui sourit – Philippe Nicolas
Avoir un rapport “heureux” à l’école – Yvan Nemo
Le récit, cocher du grand voyage – Zarina Khan
L’école du domaine du possible – Florence Quentin
Feuilleter ici les premiers pages des articles du Dossier Ultreïa ! #10
INTRODUCTION
Est-ce que, comme en appelle le philosophe Marcel Gauchet, “tout est à reprendre” en matière d’école ? Dans l’article introductif à notre dossier, Bernard Chevilliat dresse un état des lieux et déplore, entre autres, l’abandon désastreux de l’apprentissage de la lecture par la méthode syllabique. Pour dénoncer le “voyage en absurdie” des différentes réformes, il s’appuie sur l’enquête de Carole Barjon qui établit le constat d’une “faillite” de l’institution, minée par les pédagogistes et les idéologues, et convoque les travaux du neurobiologiste Stanislas Dehaene et ceux de la spécialiste de la dyslexie Élisabeth Nuyts. Celle-ci rappelle que l’accès à la lecture passe par l’audition de “sa propre parole pour atteindre sa conscience” et dépend du type de mémoire dont nous disposons. Il rend enfin compte de l’ouvrage de Céline Alvarez, qui a mené pendant trois ans une expérience dans une classe maternelle en zone d’éducation prioritaire et enjoint de respecter les “lois naturelles de l’enfant” que la neurobiologie a su aussi dessiner.
Selon la fondatrice du Printemps de l’éducation, Antonella Verdiani, “rien ne peut être enseigné” car la connaissance naît seulement du désir, ainsi “rien ne s’enseigne que l’élève ne désire apprendre, rien ne s’apprend qui ne requiert son engagement”. Et lorsqu’on arrête de s’amuser, on arrête d’apprendre. C’est-à-dire que plus on éloigne le bien-être et la joie de la classe ou de tout lieu éducatif, plus la distance entre les enfants et la connaissance augmente.
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Frédéric Lenoir nous raconte la genèse d’ateliers philo qu’il a menés auprès de centaines d’enfants à travers le monde francophone. Car pourquoi attendre la classe de terminale pour aborder des questionnements existentiels : amour, respect, bonheur, sens de la vie ? Apprendre à penser aux plus jeunes, oui, mais aussi à débattre et à développer discernement et réflexion personnelle. Des ateliers précédés d’une courte “pratique de l’attention” qui aide les enfants à se concentrer.
L’attention, Philippe Filliot, professeur de yoga à l’université de Reims, la fait pratiquer à l’école grâce au yoga qui, “dans nos sociétés matérialistes et utilitaristes”, au-delà des postures, promeut une éducation totale de l’être humain. Une “approche transversale, multidimensionnelle, holistique, qui est précieuse dans l’enseignement actuel, où la vie humaine se perd, à notre insu, dans le morcellement infini des connaissances”.
Pour une “éducation éclairée”, l’enseignante Dominique Butet propose des moments de méditation aux enfants avec pour objectif de porter son attention au souffle afin de développer la concentration et d’être pleinement présent. Une manière douce d’améliorer les performances de la mémoire et de générer une baisse de l’anxiété générale.
Vision partagée par Marine Locatelli, auteur jeunesse qui aide au développement de programmes de méditation de pleine conscience dans les collèges et lycées. “Quand la violence verbale ou physique quotidienne frappe, la pleine conscience peut apporter apaisement et ouverture du coeur”, confirme-t-elle.
“Enseignant-trappeur et maître qui sourit” : c’est ainsi que se définit Philippe Nicolas, qui invite ses élèves à s’interroger : “Qu’est-ce que vous désirez faire ?”, “Qu’est-ce que vous auriez envie de vivre ?”. Car selon cet instituteur stimulant qui ne cesse de bâtir des projets, “à l’aise dans la relation qui a su mettre à jour ses dispositions, l’enfant s’implique, s’engage, sollicite ses pairs dans tous les apprentissages, toutes les disciplines. Donner le meilleur de soi-même est le début d’une aventure humaine qui libère, donne de l’énergie et rend heureux.”
À Marne-la-Vallée, dans un environnement urbain caractérisé par les logements sociaux, où se posent les questions de mixité sociale et d’évitement scolaire, Yvan Nemo, directeur d’école, a lancé plusieurs initiatives pour un “rapport heureux” à l’institution : après l’informatique, conçue comme un moyen de partager, de communiquer et de transmettre de vraies responsabilités, c’est au tour d’une miniferme pour que “la vie s’invite dans l’espace de l’école et de son quotidien”.
L’écrivain et metteur en scène Zarina Khan a élaboré des “ateliers d’écriture et de pratique théâtrale” qui appellent chaque enfant à entrer dans le pays de sa mémoire et à faire le récit des sentiments universels qui nous relient au-delà de nos cultures et de nos appartenances.
Enfin, pour “incarner” ces nouvelles approches éducatives, nous sommes allés visiter le domaine de Volpelière, non loin d’Arles. Les éditeurs d’Actes Sud, Françoise Nyssen et Jean-Paul Capitani, ont choisi de créer dans une propriété de 120 hectares une “école aux champs”, globale et locale, de la maternelle au lycée, qui promeut une éducation libératrice, terreau fertile pour la créativité, l’autonomie, la curiosité d’apprendre.
Dossier complet à retrouver dans ULTREÏA ! #10