« C’est parce que la graine de colère est trop importante en vous que vous ne pouvez plus écouter. C’est parce que le discours arrose ces graines-là. Alors, il faut s’entraîner pour pouvoir écouter l’autre, de telle sorte que les graines de colère, de violence, en vous, ne soient pas arrosées même si le discours est violent. » Thich Nhat Hanh
Qui mieux que le moine bouddhiste vietnamien Thich Nhat Hanh, qui a milité son existence durant pour la non-violence et a anticipé ce que nous vivons aujourd’hui – “les racines du terrorisme sont l’incompréhension, la peur, la colère et la haine” –, pourrait avoir cette réponse inattendue face aux conflits et attentats qui ne cessent de bouleverser nos fragiles équilibres, tant démocratiques que psychologiques, et à l’encontre des va-t-en-guerre de toute obédience : c’est en nous qu’il faut commencer à identifier la violence, et en nous que, jusque dans ses racines, il faut la transformer, à l’instar de nos souffrances intérieures, car de cette métanoïa , d’une urgente nécessité, “dépendent la paix et le bonheur des générations futures”, ajoute ce maître qui sut faire fleurir “un lotus dans une mer de feu”.
La peur, devenue un fonds de commerce médiatique, se répand comme une traînée de poudre et les visages haineux – dont on espérait ne plus jamais revoir l’expression – font retour, quand le temps de la compassion pour les victimes, lui, se contracte. Ignorance, peur, loi du talion que condamne sans relâche le bouddhisme depuis sa naissance, en Inde, au VIe siècle avant notre ère.
Il nous est donc apparu indispensable, dans ce temps d’incertitude et de labilité, de donner la parole à des spécialistes de cette pensée venue d’Orient – mais qui a su ensemencer l’Occident – et qui soient aussi des pratiquants. Quel soutien pouvons-nous attendre du bouddhisme ? Quelles perspectives spirituelles nous ouvre-t-il encore, même si notre pragmatisme le réduit trop souvent à un outil dans l’offre pléthorique des techniques du “bien-être” contemporain ?
L’esprit de Siddhartha Gautama, le premier des Éveillés, plane depuis toujours sur Kyôto, ville pour laquelle Claudel conçut une véritable passion et qu’il quadrilla de part en part – “paysages gris souris, sépia, or”, écrit-il à propos du palais Gosho –, et que nous avons le privilège d’arpenter ici sur les pas d’une Française qui, mariée à un moine bouddhiste, y a élu domicile. Humilité, tolérance, amour : autant de qualités nécessaires pour construire et maintenir la paix. Les six “invités” de notre numéro – l’“adorable” maître indien Swâmi Ramdas, Rûmî, chantre persan de l’Amour, le “philosophe-tisserand” Abdennour Bidar, l’apôtre de la non-violence Jawdat Saïd, le fondateur de l’Arche, Jean Vanier, ou l’écrivain-voyageur Kenneth White plaidant pour une éducation philosophique et poétique “créatrice de vertu”, n’ont oeuvré et n’oeuvrent encore qu’à cet horizon-là. Une perspective ouverte, toujours dynamique, qui selon la formule bouddhiste “dissipe les voiles de l’ignorance”. Et place la compassion, ou la charité, pour reprendre un beau terme chrétien trop galvaudé, au firmament des astres de l’Esprit.
Notre dernière page se referme sur un Billet consacré à Antoine de Saint-Exupéry et ses intuitions prophétiques, qui annonçait, peu de temps avant de mourir dans son ciel tant aimé : “D’une lave en fusion, d’une pâte d’étoile, la vie est née. Peu à peu, nous nous sommes élevés jusqu’à écrire des cantates et à peser des nébuleuses… C’est vers la conscience que marche la vie… Quand nous marcherons dans la bonne direction, celle que nous avons prise dès l’origine, en nous éveillant de la glaise, alors seulement nous serons heureux. Alors nous pourrons vivre en paix, ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort.”
Au fil de ce numéro retrouvez nos dix chroniques :
Mosaïque du Ciel par Olivier GERMAIN-THOMAS – Lien sacré
Méditer en chemin par Fabrice MIDAL – Apaiser la souffrance
Le fil de l’émerveillement par Bertrand VERGELY – Une magie appelée Birmanie
Ubiquité de la prière par Christiane RANCÉ –L’appétit de Dieu
L’instant soufi par Éric GEOFFROY – La transparence ou la mauvaise réputation ?
Il n’y a qu’une seule religion par Patrick LAUDE – La Pie du bleu du ciel
La couronne du ciel par Frank LALOU – Un calligraphe hébraïque à Kyôto
De ce coté du ciel par Pascal RUFFENACH – « Je me suis dispersé là-bas. »
Le buffle et la tortue par Cyrille J.D.JAVARY – Morte-saison et vie éternelle
Symbolique universelle d’un signe, d’une gestuelle, d’un rite ou d’un mythe… 4 pages illustrées par Stéphanie LEDOUX.
Phares
Leili ANVAR
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