Édito par Florence QUENTIN

L’homme est un nomade, un voyageur de passage : sa condition et sa vie s’apparentent à une transhumance, un pèlerinage. Trop souvent, il l’oublie. S’arrêter, en effet, c’est croire que l’on peut prendre définitivement racine sur cette terre ; en somme, végéter. Ou encore, renoncer, tenant que ce parcours ne mène nulle part. Et ainsi, méconnaître que le “passage” final est lui aussi invitation au grand saut dans l’inconnu, à une pérégrination d’un autre ordre, métaphysique, celle-là.
“Plus loin, Plus haut” : le titre même de notre revue renvoie au chemin, terrestre avant d’être spirituel, mais qui est aussi montée, ascension.
Lors de ces six ans, nous vous avons invités à arpenter le sacré à nos côtés, partout où il scintille, en pleine lumière dans ses manifestations les plus visibles et les plus abouties, et cela aux quatre coins de la planète, comme dans les tréfonds de l’être, tels ces joyaux de l’âme évoqués dans nos “Cahiers métaphysiques”.
Dans l’esprit auquel nous sommes fidèles depuis l’automne 2014, ce dernier numéro s’ouvre sur des figures essentielles de l’histoire de la pensée et de la métaphysique : les étonnants maîtres du Tantra shivaïte tout autant que Giordano Bruno et son “ardent destin”, qui écrivait – à raison : “Dieu est en chaque homme plus intérieur à lui-même que lui-même ne peut l’être.”
Notre dossier aborde quant à lui la symbolique de l’artisanat traditionnel, cette “richesse des pauvres” qui embellit et transcende, des bijoux touaregs aux maisons peintes du Rajasthan, en passant par l’art raffiné des kimonos, les parures amérindiennes ou le génie simple de l’artisanat populaire suisse.
L’invitation au voyage, l’un de nos maîtres-mots, nous entraîne au Vietnam et ses pagodes, trésors témoignant d’un attachement profond au bouddhisme ; au coeur du pèlerinage et de l’histoire mouvementée de La Mecque ; à Ispahan – la “moitié du monde” – dans l’Iran pluriel et éternel du photographe Kares Le Roy ; et au Ladakh pour accompagner la renaissance d’un monastère.
De périple intérieur, il est aussi question avec la dimension spirituelle de la musique ou la nouvelle alliance entre les hommes et les arbres.
Quant aux personnalités singulières, esprits libres ou vagabonds célestes, que nous nous sommes toujours attachés à débusquer et à vous faire ( re )découvrir, elles prennent ici voix à travers les portraits du grand historien d’art Ananda K. Coomaraswamy, le “guerrier du Dharma” ; de “l’oiseau voyageur, frère des réprouvés” qui se comparait à un brasier de désir, l’écrivain roumain Panaït Istrati ; mais aussi au travers de celui de Lilian Staveley,
une mystique anglaise méconnue.
L’heure étant venue de nous séparer sur le dernier opus d’une passionnante aventure, unique dans le paysage éditorial, où nous avons choisi de servir aussi bien le fond que la forme, soyez ici remerciés pour votre soutien, votre compagnonnage sur ces routes si dépaysantes. Pour les enthousiasmes que vous nous avez fait partager.
“Soyez passant”, rappelle l’incandescent Évangile apocryphe de Thomas. Je vous souhaite une quête tendue vers l’essentiel, transportés, enthousiastes, vers votre havre intérieur. « Transhumance de la terre au ciel, le voyage s’arrête dans la patrie où l’homme prend sa stature définitive »*.

* Ysabel de Andia,  La voie et le voyageur, Cerf.