Édito par Florence QUENTIN

“ Le Prophète dit : – Nous sommes revenus du jihâdmineur pour aller vers le plus grand des jihâd.
Les compagnons demandèrent : – Quel est ce jihâdmajeur ?
Le Prophète répondit : – Le combat contre les passions du cœur.”
Hadith du Prophète

Cite-t-on assez certains “dits” de Muhammad, à l’heure où de funestes amalgames divisent la société et menacent les fondements du “vivre ensemble” républicain ? Revenir à l’étymologie éviterait pourtant certaines dérives interprétatives et réductrices. Le mot jihâda des acceptions plus larges que celle d’“appel à la guerre” dont on nous rebat les oreilles dans les médias. Ainsi, si le “combat mineur” désigne celui mené contre un ennemi extérieur menaçant l’intégrité physique ou territoriale, le “combat majeur”, le “plus grand” d’entre eux, a bien lieu à l’intérieur de soi, contre ses émotions perturbatrices.
C’est dans cet esprit de clarification, après le séisme qui a secoué la France en début d’année, que nous ouvrons notre dossier consacré à un islam finalement méconnu. Identifier les racines du tumulte général mais aussi de la discorde entre chiites et sunnites, montrer quelles sont les valeurs dominantes de chacune des deux confessions et à quelle indispensable “révolution spirituelle” l’islam est convié, nous permet de comprendre cette actualité omniprésente dont les enjeux géopolitiques nous échappent.
“Cet effort accompli sur soi-même” prêché par l’islam apparaît comme universel, en témoignent deux vies exemplaires : celle de Mâ Ananda Moyî qui montra à travers une joie sans partage la “voie de l’Éveil”, et celle d’un François d’Assise que nous découvrons lors du chemin pèlerin que Christiane Rancé a accompli jusqu’à des hauts lieux encore littéralement “habités” par le Poverello.

Aller vers soi ? C’est aussi ce que proposent deux voies orientales complémentaires : la pratique bouddhique du mandala de Kalachakra et le cha no yu, cérémonie du thé qui a pris rang parmi les arts spirituels – comme un autre des fleurons de la culture japonaise, le haïku. Ce poème célébrant la nature et les saisons fut porté à son incandescence par Matsuo Bashô, dont nous découvrons la vie à travers un récit graphique.
Nature que nous n’oublions jamais de célébrer dans Ultreïa !, cette fois-ci à travers une rencontre avec Vandana Shiva, icône mondiale de l’écologie ; un portfolio sur la vallée de l’Omo dans lequel Hans Silvester nous livre sa vision d’un des derniers paradis perdus africains ; dans les jardins qui inclinent à la méditation ; ou qui contribuent à l’émancipation des femmes des townships sud-africains.
Laissons le mot de la fin à Edgar Morin, ce stimulant prophète contemporain de 94 ans, qui nous livre une fine analyse de notre époque secouée des convulsions d’un accouchement que nous espérons tous profondément réformateur et pourquoi pas… poétique : “Vivre, c’est s’épanouir dans la dilatation de soi, dans la réalisation de ses aspirations et dans la communion avec autrui… La tragédie humaine d’ aujourd’hui c’est que tant de nos contemporains n’ont que de fugaces moments de poésie dans leur vie. Parce qu’ils sont asservis à la prose, à la survie.”

Au fil de ce numéro retrouvez nos dix chroniques :

Mosaïque du Ciel par Olivier GERMAIN-THOMAS –  Maître de proximité

Méditer en chemin par Fabrice MIDAL – Le figuier et la fleur

Le fil de l’émerveillement par Bertrant VERGELY – N’ayons pas peur d’être ivre ! 

Ubiquité de la prière par Christiane RANCÉ –Contrepoison

L’instant soufi par Éric GEOFFROY –  Le temps : une illusion à vivre

Il n’y a qu’une seule religion par Patrick LAUDE – Le miroir de la différence

La couronne du ciel par Franck LALOU – La nécessité du corps dans la kabbale 

De ce coté du ciel par Pascal RUFFENACH – Le ciel des fragiles

Le buffle et la tortue par Cyrille J.D.JAVARY – La peinture chinoise traditionnelle est-elle représentative ou abstraite?

D’Orient et d’Occident par Jean MONCELON – Shams, l’Ami de Dieu

Mais aussi  Signe & Traces, Rites & Repères

Symbolique universelle d’un signe, d’une gestuelle, d’un rite ou d’un mythe… 4 pages illustrées par Stéphanie LEDOUX.